Histoire de la Diaccia Botrona

Sommaire de la Diaccia Botrona


La période Étrusco-romaine

Au temps des Étrusques, la Diaccia Botrona n'existe pas encore vraiment, à sa place se trouvait une sorte de lac saumâtre rétrodunal ou plus exactement une lagune bien plus vaste que la Diaccia Botrona, c'était le Lacus Prilius ou Lac Prile (Lago Prile). Le Lac Prile représentait un grand bassin en contact direct avec la Mer Tyrrhénienne, il jouait un rôle économique très important pour deux des dodécapoles étrusques: Roselle et Vétulonie.

Roselle (VIIème siècle av. JC - IXème siècle après JC), située sur une basse colline, à 9 km de Grosseto, était la ville la plus importante de l'Étrurie Septentrionale. La position élevée de Roselle lui permettait d'ailleurs de contrôler l'actuelle plaine de Grosseto, occupée à l'époque par le vaste lac saumâtre Lacus Prilius s'étendant de Roselle à Vétulonie, sa profondeur notable le rendait navigable, plus particulièrement dans sa partie septentrionale. La richesse de Roselle venait de ses exportations massives de blé, notamment vers Rome, rendues possibles par l'accès à la mer garanti par la navigation sur le Lac Prile.

Vétulonie (IX-Vème siècle av. JC), située à 16 km à vol d'oiseau de Roselle, au NW de Grosseto, se trouve sur une colline à 344 m  d'altitude. Cette position perchée, comme Roselle, lui permettait de dominer toute la vallée et le Lacus Prilius, partie intégrante du réseau lagunaire compris entre Vétulonie et Roselle qui consentait l'accès à la mer; son port se trouvait au pied de la colline sur laquelle elle est perchée. Le caractère maritime de Vétulonie a été confirmé par la découverte de pièces de monnaie où figuraient des tridents, des ancres ou des dauphins. Vétulonie dut sa prospérité aux ressources minières des Collines Métallifères et à cette communication maritime permettant le commerce.

Les Étrusques modifièrent le régime hydrographique de la plaine de Grosseto, comme dans d'autres plaines d'ailleurs; ils étaient des régulateurs habiles des eaux, même s'ils ne pratiquaient pas réellement d'assainissement, ils favorisaient l'écoulement naturel des eaux.

Les Romains, lorsqu'ils envahirent la Maremme, ne pensèrent qu'à utiliser au maximum ses terres pour une agriculture intensive, du blé notamment, et comme lieu de villégiature, mais ne se soucièrent pas de la santé des eaux. Les minières fermèrent. La population locale abandonna la Maremme ou se réfugia sur les collines pour échapper au paludisme. La zone côtière était déserte.

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La période moyenâgeuse

Cette période est très peu documentée, Castiglione était déserte jusqu'à l'an Mil où l'on assiste à un timide renouveau. Les terres autour du lac saumâtre appartenaient à des seigneurs, comme ceux de la famille Aldobrandeschi, qui les louaient pour le pâturage. Castiglione passait, tour à tour, dans les mains de riches seigneurs de Pise ou de Sienne qui se la disputaient. Ceux de Sienne la convoitaient pour son accès à la mer, pour ses nombreux pâturages, une célèbre banque siennoise était en relation directe avec l'activité pastorale. Sienne se préoccupa de l'assainissement des marais et de la fortification des bourgs continuellement sujets aux invasions barbares. Pise tomba aux mains des Médicis en 1509 et Sienne en 1555, les Médicis réalisèrent l'union de la Toscane. Les Médicis arrivèrent en Maremme avec de bonnes intentions, ils s'inquiétèrent eux aussi, dans un premier temps de l'assainissement du lac de Castiglione; ils encouragèrent l'immigration de familles d'origine septentrionale.

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La période des Médicis

Au XVIème siècle, le lac, encore immense, s'étendait sur 50 km2; il était le plus vaste de la Toscane, comme presque toute la Province de Grosseto, il appartenait à la famille Médicis qui en retirait un profit si conséquent que cela représentait son revenu principal. Mais, intéressés par l'activité fructueuse de la pêche, les Médicis se préoccupèrent de moins en moins de l'entretien du lac. A la fin de 1600, à cause du paludisme, la population des campagnes chuta à Castiglione, les terres se retrouvèrent à l'abandon, les eaux stagnaient encore davantage. Certains animaux sauvages, qui avaient disparus refirent leur apparition; ce fut le cas notamment du loup retranché auparavant dans les bois des collines alentours. En 1680, Côme III de Médicis autorisa la concession de la pêche dans le Lac Prile à Domenico et Francesco PICCHIANTI, cela leur octroyait ainsi le monopole de la pêche et le privilège de vendre leur poisson sur le marché de Florence (Mercato Vecchio). Ces privilèges furent reconduits au détriment des résidents de 1721 à 1726 au prix de 1 200 écus annuels. La population locale devait être autorisée par la famille PICCHIANTI pour pêcher dans le lac, mais aussi en mer, et devait vendre cette pêche exclusivement à cette famille. Si les Castiglionais transgressaient cette règle, ils étaient passibles d'amendes et de fortes peines, leur survie était soumise à des étrangers. Cette politique des Médicis amena à un grand appauvrissement de la communauté castiglionaise; la pêche sauvage et sans aucune règle appauvrit aussi le lac qui, sans entretien commença à s'ensabler progressivement. 

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La période de Pierre Léopold de Hambsbourg-Lorraine

Trois siècles après les Médicis, la Toscane passa aux mains de la Maison des HABSBOURG-LORRAINE, ce fut alors que de grandes opérations d'assainissement des terrains marécageux commencèrent dans la plaine grossetane devenue une vaste marais malsain à l'origine du développement du paludisme. Pierre Léopold de Lorraine commissionna le mathématicien jésuite Léonard Ximenès en Maremme et le chargea d'étudier et de planifier les interventions d'assainissement. L'intention de Ximenès était de maintenir les eaux stagnantes et de les vivifier grâce à l'eau de mer; il désirait transformer le Lac Prile en une grande zone de pêche d'eau saumâtre en asséchant des portions  de surface modestes à l'aide de canaux périmétraux. Ximenès réduisit la superficie du lac en utilisant un ingénieux système de déviations et canalisations régulant les flux d'eaux entre lac et mer. Pour cela, il fit édifier vers 1765 la Casa Rossa (Maison Rouge) ou Casa Ximenès, positionnée au début du lac. Les écluses de la Casa Rossa devaient réguler le flux vers la mer des eaux palustres et l'entrée de l'eau salée, en été, afin d'empêcher les assèchements et, par conséquent, la putréfaction des plantes aquatiques. A l'aide de ce système d'écluses, d'un Canal Navigable sur l'Ombrone et de vingt-deux canaux d'interruption sur la berge droite de la rivière, Ximenès régulait le flux des eaux douces et salées; il voyait dans le maintien d'une vaste zone lagunaire une source de richesse bien supérieure à ce qu'un assèchement aurait pu apporter. D'abord enthousiaste, Pierre Léopold finit par licencier Ximenès. Son successeur, Ferroni, échoua.

En 1788, Pio Fantoni succéda à Ferroni et opta pour la méthode par remplissage du lac grâce aux eaux troubles de l'Ombrone; il n'eut pas le temps de compléter son projet qui resta en suspend durant la période napoléonienne.

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La courte période napoléonienne

Par le Traité de Fontainebleau du 27 octobre 1807, la Toscane se trouva annexée à l'Empire Français de Napoléon et fut administrée par Paris. Sur la base du système français, institué par la loi du 17 février 1800 (28 pluviôse AnVIII), le territoire du Duché Toscan fut subdivisé en trois départements: de l'Arno, de la Méditerranée et de l'Ombrone. Ces départements étaient à leur tour divisés en sous-préfecture et municipalités (mairies). Ainsi, de 1808 à 1814, la Maremme, la Diaccia Botrona comprise, fut gérée par l'administration française par l'intermédiaire d'Elisa Baciocchi Bonaparte, sœur de Napoléon. Le chef-lieu et canton de Castiglione Della Pescaia faisait partie de la sous préfecture de Grosseto.

Le monopole de la pêche était passé aux mains de l'hôpital, Ospedale della Misericordia, de Grosseto, il octroyait la concession de la pêche à des spéculateurs sans scrupules comme Andrea Benvenuti jusqu'en 1805, la société formée par L. Vicenzi, F. Ducci, B. Tonisi et F. Pacini de Bientina jusqu'en 1812; l'assainissement du lac n'était plus assuré. Le gouvernement français fit même fermer l'"Office des Fossés" de Grosseto; ce bureau était chargé depuis 200 ans de l'assainissement. Malgré l'insistance de la population castiglionaise et de son maire Giatti pour obtenir à nouveau l'assainissement du lac devenu marécage, l'"Office des Fossés" ne fut pas réouvert. Le paludisme décima la population. Ainsi, dans un mémoire du 2 août 1810, le colonel De Vincent, détaché à Grosseto, précisait:"tout le travail se trouve suspendu, les maladies augmentent d'une manière effrayante, le pays est journellement abandonné". Il faudra attendre un décret impérial du 7 mars 1813 pour voir l'ouverture d'une "Commission des Eaux" chargée aussi des Ponts et Chaussées. Face aux forts alluvions d'octobre à novembre 1803, cette commission dut entreprendre rapidement des travaux de réparation des berges de l'Ombrone, du système d'écluses, des routes entre Grosseto et Castiglione, ainsi que du réseau fluvial. Malheureusement, avec la chute du gouvernement français le 30 avril 1814, les travaux furent abandonnés sans être portés à terme.

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Le retour de la maison de HABSBOURG-LORRAINE

Avec le retour de Ferdinand III de HABSBOURG-LORRAINE, en 1814, l'assainissement de la Diaccia Botrona et de la Maremme, en général, reprit de plus belle. Après 20 ans d'abandon, le Canal Navigable était sous terre et les écluses de la Cassa Rossa ne fonctionnaient plus. La direction des travaux fut confiée à Alessandro Manetti; pour lui des apports de terre étaient la solution. Petit à petit, les zones marécageuses furent comblées de terre.

Ensuite, Léopold II décréta que le lac de Castiglione était responsable de la diffusion du paludisme dans toute la Maremme, selon lui, l'entrée des eaux marines en était la raison. Deux canaux de déviation furent construits sur l'Ombrone, la surface du lac diminua; en aval, l'estuaire s'ensabla, l'entrée du port en certains points n'était plus qu'à 20 cm de profondeur. L'"Office des Fossés" fut réouvert sous la direction de l'ingénieur Capretti qui exécuta les travaux les plus urgents comme le nettoyage du port et de l'aqueduc de Castiglione, la réhabilitation des fossés et du canal de navigation ainsi que la route du Tombolo. Ces travaux étant très onéreux, Capretti proposa de confier aux riches propriétaires terriens la gestion de l'assainissement du marais. Mais ces personnes se sentaient peu concernées, certains récupéraient même la terre où passaient des routes publiques, comme celle de la Gronda, pour la cultiver.

En 1819, Capretti décédé, Giacomo Passerini lui succéda, il fit appel lui aussi aux propriétaires terriens qui ne se sentirent concernés qu'en 1823, en pleine crise agricole. Vers 1825, Léopold II chargea l'ingénieur Gaetano Giorgini de l'assainissement du marais de castiglione. Les travaux débutèrent rapidement, le Pont de Castiglione (actuel Pont Giorgini) fut exécuté d'octobre à mars et inauguré en mai 1828. Ce pont fut construit au point le plus bas de la Fiumara pour que les eaux d'écoulement du marais y confluent; il était situé à 500 m de l'estuaire afin d'éviter le choc direct des vagues sur les écluses, permettant ainsi l'utilisation de la Fiumara comme port-canal. Le Pont Giorgini, comme la Cassa Rossa de Ximenès, était équipé d'un système d'écluses pour la régulation des flux d'eau entre marais et mer. De plus, pour la première fois, le pont permettait le passage de la route côtière entre Grosseto et Castiglione sans l'utilisation d'une barque. Le Pont était gardé, jour et nuit, par des militaires chargés de la manutention des écluses et de l'enregistrement dans un journal des heures de fermeture et d'ouverture de ces écluses.

Léopold n'était pourtant pas satisfait de Giorgini, persuadé que les résultats obtenus par Vittorio Fossombroni dans l'assainissement de la Chiana étaient bien meilleurs, il congédia Giorgini et envoya Fossombroni à Castiglione. Fossombroni privilégia les opérations de comblement par la terre du marais plutôt que les flux entre marais et mer.

Vers 1830, le courant de l'Ombrone n'empêchait plus l'ensablement de l'estuaire où la profondeur variait entre 1,5 et 3 mètres, le trafic maritime décrut inexorablement. Suite à de fortes pluies, les écluses du Pont Giorgini furent fermées à la mi-juin, puis réouvertes fin-juin, s'ensuivirent une putréfaction du marais et un épisode grave de paludisme.

Vers 1845-46, la reprise économique permit de restaurer les môles et le port fut à nouveau ouvert aux grosses embarcations (toscanes, sardes, napolitaines et françaises).

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La période depuis l'Unité Italienne (1848)

L'Unité Italienne en 1848 annula pratiquement les travaux exécutés par la famille des HABSBOURG-LORRAINE. Entre 1851 et 1860, le port continuait cependant à fonctionner, 384 embarcations y passèrent, grâce aux vastes terres issues du comblement du marais, la culture dans la plaine de Grosseto était riche et la production de vin, blé et huile importante; ces productions étaient exportées via mer.

En 1900, le Génie Civil entreprit la construction d'un canal de déviation supplémentaire (l'actuel) qui aboutit à l'assainissement partiel des 1020 ha du Marais Ouvert (Padule Aperto). Trente à quarante ans, cinquante ans selon certains auteurs, furent nécessaires pour parvenir à des résultats satisfaisants avec éradication du paludisme. De l'immense "Lago Prile" des étrusques, il ne restait plus que quelques marais de surface réduite, le plus important d'entre eux formé par les eaux de la Diaccia et la Botrona représentait à peine plus de 1 000 ha.

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La période actuelle de la Diaccia Botrona

En 1991, selon la Convention de Ramsar, la Diaccia Botrona est reconnue comme zone humide d'intérêt international. En 1994, elle devient oasis de protection de la faune et la chasse y est alors interdite. En 1996, elle devient Réserve Naturelle de la région Toscane.

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Page utilisée et traduite sur le blog Naturamediterraneo : http://www.naturamediterraneo.com/forum/topic.asp?TOPIC_ID=34498

Page créée le 18/01/2004 - Nathalie LAFENETRE